Entre subir le changement ou le conduire, il n’est généralement qu’une question de temps. L’obligation pour les entreprises de fournir leur FEC à l’administration fiscale en cas de contrôle, instaurée en 2014, en est une illustration.
Elle a représenté un bouleversement pour les entreprises, et pour les experts-comptables et commissaires aux comptes qui les accompagnent. De plus pour ces professionnels du chiffre, le FEC n’a été que l’une des multiples problématiques rencontrées ces dernières années : mise en place de la piste d’audit fiable (PAF), instauration du règlement européen sur la protection des données (RGPD), dématérialisation et entrée progressive des cabinets dans l’ère du phygital...
Des priorités qui ont pris le pas sur le FEC à l’époque, et qui expliquent en partie que les entreprises et les cabinets ne se sont pas immédiatement emparés des possibilités qu’offre cette présentation normalisée de la donnée comptable.
Des obstacles techniques à surmonter
Dans les cabinets, le FEC a d’abord soulevé des problématiques techniques. Les experts-comptables et commissaires aux comptes se sont heurtés à l’absence de fonctionnalités dans les ERP et logiciels comptables, qui n’étaient alors pas configurés pour générer ce type de fichier. Il a fallu attendre plusieurs mois, voire plusieurs années, pour que les éditeurs paramètrent l’extraction de la comptabilité au format FEC dans leurs logiciels.
« Ce n’est pas un fichier que l’on récupère en un claquement de doigt », rappelle Laurent Lanzini, expert-comptable en entreprise, Senior Manager chez Square | Tallis et membre de l’association ECE. Et aux écueils techniques s'est parfois ajouté un certain manque d'intérêt de la part des entreprises clientes. « Beaucoup ont attendu l’échéance d’un contrôle fiscal pour s’en préoccuper », explique ce spécialiste du digital.
Les experts-comptables ont aussi dû s’adapter pour s’assurer que les fichiers de leurs clients respectent les exigences de l’administration. Cela n’avait rien d’une évidence et les cabinets n’étaient pas toujours bien outillés pour travailler à partir du FEC. « Les éditeurs ont adapté les logiciels pour l’extraction des données au bon format, mais ce n’était pas à eux de vérifier sur le fond que les écritures étaient conformes, qu’il n’y avait pas de problème de lettrage ou de rupture de numérotation par exemple », souligne Laurent Lanzini.
De nouvelles possibilités offertes par le FEC
5 ans après l’instauration du fichier, les choses ont évolué. Sa production est globalement maîtrisée. La majorité des professionnels perçoivent désormais de nouvelles opportunités dans l’utilisation du FEC, et s’organisent en conséquence.
Les cabinets plus en pointe se sont ainsi organisés en créant des équipes dédiées à la transformation numérique, tandis que d’autres ont recruté un responsable des données (Chief Data Officer - CDO). « Ces intervenants constituent un véritable service R&D. Les cabinets sont ainsi en mesure de réfléchir aux données dont ils disposent, et aux prestations qu’ils peuvent proposer en les manipulant. Ils se tournent notamment vers le FEC pour répondre à de telles problématiques », assure Laurent Lanzini.
Pour le spécialiste, le FEC est « un jeu de données disponible et fiable » qui trouve de nombreuses applications dans la gestion des missions. Son analyse permet d’abord de gagner en temps et en efficacité en matière de révision des comptes. « Cela permet de monter plus rapidement les dossiers en période fiscale. Avec les bons outils, on est capable de justifier la majeure partie des comptes et de mettre en avant les points à approfondir », explique-t-il.
Grâce au data-mining et à l’intelligence artificielle, le FEC peut aussi être utilisé pour apporter de la valeur ajoutée à l’offre d’expertise comptable, et approfondir la mission de conseil. C’est en effet un moyen de s’assurer de la qualité de la comptabilité dans une démarche de contrôle interne, mais aussi d’évaluer le risque fiscal des clients, et de rechercher des erreurs dont la correction peut améliorer leur trésorerie (trop-payés aux fournisseurs, TVA déductible oubliée). « Le FEC peut également être utilisé comme un outil de BI, dont on peut tirer des indicateurs de pilotage pour faire du reporting, voire de l’analyse prédictive », assure Laurent Lanzini.
Un avantage distinctif pour les cabinets
Pour les experts-comptables qui travaillent en réseau, mettre en commun les FEC de leurs portefeuilles de clients peut aussi représenter une opportunité. Ils disposent ainsi d’un jeu de données important, complet et standardisé. A l’image de la DGFiP qui détecte les signaux des entreprises défaillantes, les cabinets peuvent utiliser des algorithmes de machine learning pour développer des indicateurs pertinents pour leurs clients.
« Cela représente une vraie plus-value du réseau auprès de ses adhérents », souligne Laurent Lanzini. Plus largement, les cabinets qui exploitent dès aujourd’hui les données du FEC pour développer de nouvelles offres, au plus près des besoins de leurs clients, disposent d’un véritable avantage concurrentiel.
La loi PACTE, qui élargit notamment les missions complémentaires des experts-comptables et leur autorise la pratique des honoraires de succès, ouvre d’ailleurs la voie à un renforcement de leur rôle de conseiller d’entreprise. L’analyse du FEC en sera sans aucun doute un des leviers.